Dans le matin calme, le jardinier arpente les allées
en quête des dernières feuilles par le vent dispersées.
Songe-t-il aux temps de ce jardin sous l'Empire,
lorsque les communards s'y réfugient et expirent.
Déjà, la ville est réveillée, les bus bondés,
les nounous pressées, les commerçants affairés
et les trains du pont Cardinet
s'élancent sur une mélopée saccadée
Dans la journée, les promeneurs viennent s'amuser
des plongeons de la multitude emplumée
alors qu'en bas, les anciens du quartier
disputent des parties de boules acharnées.
Près de la cascade, les enfants batifolent
dans ce square du village des Batignolles
et quand vient le temps des brumes
les solitaires rêvent à la longue dame brune.
2013 - Un matin de décembre au square des Batignolles
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Au bord de la rivière
Que l'on appelle Yser,
Je suis le protecteur
Des insectes, des rongeurs,
Et des mystérieuses chouettes
Qui me prennent pour cachette.
Au printemps je me réveille
J'offre mes fleurs aux abeilles
Et des nids douillets
Aux mésanges affairées.
Mais les temps ont changé,
Je ne suis plus protégé
Car l'homme ne taille plus ma ramure
Pour de ses pâtures réparer les clôtures.
Mes saisons sont passées
Vers l'onde, je suis ployé,
Le ciel d'hiver va s'embraser
Et le vent froid se lever.
Mais j'ai le coeur léger
Car de l'artiste, je suis aimé.
2012 - Un brin d'éternité
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Les pierres
Qui sont-elles ?
Des galets brassés par le ressac des rivages,
des roches érodées par le souffle des paysages,
des cailloux projetés dans l'univers aux longs voyages...
Nées des êtres de la mer et pétries de l'écrasante pesanteur,
nées des montées de lave nourries du feu intérieur,
nées des bulles de matière jaillies des premières heures...
De toutes tailles, couleurs et origines,
la quête de leur passé nous fascine
car elles sont fragments d'éternité,
pour nous qui ne faisons que passer.
2014 - Inspiration... Aspiration
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Ils ont construit dans le flot boueux
du grand fleuve qui porte, silencieux,
les barques surchargées
des paysans vers le marché.
Sur le plancher en pilotis,
Les enfants rient, les enfants crient.
Insouciants, ils s'amusent à plonger,
à prendre les crustacés dans leurs filets.
Si le grand fleuve offre son eau et ses poissons,
les femmes redoutent les crues de la mousson
car la vie de leur famille et leur maison
reposent sur de bien fragiles fondations.
2009 - Portée
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Tiens ! Une feuille tombe, le vent passe,
l'herbe est mouillée, l'été trépasse.
Les noisettes, il faut que j'amasse,
avant que l'homme, égoïste, ne les ramasse.
La nuit, je file, je renifle, je frétille,
dans le jardin, je grappille, je pille.
De taille fine, agile, je me faufile
et j'empile des coquilles sous des brindilles
Pendant le froid, je roupille, à côté de mon garde-manger.
Parfois l'homme vient chercher du bois, là où je suis caché
pour faire une belle flambée dans sa cheminée.
Réveillé, effrayé, affamé, je me remets à grignoter.
Puis au printemps, je dois quitter mon nid douillet.
J'ai beau chercher, mes provisions sont épuisées.
Je pars gambader, et le gros chat surveiller
et c'est décidé, famille je vais fonder
2010 - Traces dans un jardin Domontois
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Face au monde qui vacille
comme la flamme de leurs bougies,
elles se figent immobiles
et elles prient.
La blonde américaine
sous son parapluie
et la petite indienne
dans l'église de son pays.
Dans la grande ville rapace
les tours se sont effondrées
et dans les collines du Chiapas
la vie n'est pas sans danger.
Face au monde qui vacille
comme la flamme de leurs bougies,
elles pensent à leur famille
et à tous leurs amis
2004 -
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Au Palais Royal le passage s'ouvre
entre Halles et Louvre.
Après d'antiques magasins
il forme chemin
où l'automne chagrin
déverse son crachin.
Peu à peu le froid s'installe
sur les grandes dalles.
Avec l'obscurité,
les rideaux sont baissés.
Seuls quelques pas résonnent
au pied des colonnes.
Puis le soleil gagne sa place,
les ombres se déplacent.
La chaleur devient torpeur.
Passants et enfants glissent lentement
entre pierres d'antan et des temps présents.
2007 - Passage - Palais Royal
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
En ce pays d'eaux et de nuages
qui a connu des guerres les ravages
et qui porte les hommes au courage,
les briques dessinent
d'étranges signes,
empreintes runiques
antiques symboliques,
ouvrage des puissants compagnons
de la corporation des maçons.
Contre les peurs, les angoisses,
des dangers qui menacent,
les signes sur chaque maison
étendent leur protection.
Ils sont les marques éternelles
de l'amour maternel,
de la paix, de la prospérité
et de la fécondité.
En Flandre, écoutez des murs
les murmures.
Les signes des anciens temps
sont toujours vivants.
2007 - Runique
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Sur la plage du Nord,
Du soir aux aurores,
Une ancre prend appui
Face aux vents et aux pluies.
Sur elle les vagues se brisent,
Dans le sable elle s'enlise,
Les embruns la mouillent
Et la couvrent de rouille
Comment est-il possible
Que le grand navire soit libre
Et vogue sans entrave
Au delà des vagues ?
A cette lisière des mondes
De la terre et des ondes,
Des chaînes, entravé,
On veut toujours se libérer.
2005 -
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Tortues de pierre
Symbole de longévité,
elles sont une centaine sans âge
à porter les stèles en hommage
aux docteurs es humanités.
Leur carapace est la voûte de l'univers
et leur ventre plat et carré, la terre,
au sein de laquelle elles ont été enfouies.
lorsque les bombes ravageaient le pays.
Tortues de chair
Symbole de fragilité,
elles ne sont que quatre en vie
même si l'ancêtre survit
sur une île au coeur de la cité.
Une seule dans un lac vivait en liberté,
mais les flots l'ont emportée.
Un pêcheur l'a capturée dans son filet
et il a fallu payer pour la sauver
2008 -
Tortues géantes de Hanoï - texte de Christian SABER
"Temple de la littérature" - peinture de Christine SABER
Toujours debout
La terre était couverte d'ajoncs et de prunelliers
quand la pieuse Enora, dans son esquif de cuir et d'osier
vint s'échouer dans la baie, au pied de l'antique Yaudet.
Des siècles sont passés, érodant les chaos de rochers.
Sur la pointe du Dourven éventée,
le poète Even protégea son nouveau logis
avec des pins de Corse, d'Autriche et de Californie.
Quand les grandes tempêtes soufflent,
les arbres s'accrochent, s'inclinent et souffrent.
Leurs rameaux fouettés par les rafales d'embruns salés
se couvrent peu à peu de lichens colorés.
Certains seront couchés un jour sous la violence des vents
mais les peintres les verront toujours debout, face à l'océan,
scintillant sous les derniers feux du soleil couchant.
2015 - "Cheminer au Dourven"
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Dans le monde de Christine, les arbres sont rouges et bleus.
Parfois fiers, élancés, autour du Béguinage,
parfois tords, tourmentés, pliés par leur grand âge,
au bord des rives calmes, ils dressent, valeureux,
des branches foisonnantes et des osiers nombreux
qui cachent pudiquement quelque blessure secrète.
Comme un vieillard touché au coeur lève la tête
vers le ciel familier, vers un passé heureux.
Dans le monde de Christine, les arbres sont rouges et bleus.
L'harmonie est visible, douces vagues ondoyantes.
Dessus le violoniste, les couleurs dansent et chantent,
il en ferme les yeux, la musique l'enchante.
Sur les plages de Bretagne les galets sont bien sages,
polis par les marées, ils reflètent au passage,
tantôt rayons de lune, le ciel et les nuages.
Ils se font doux et lisses sous les mains des bambins.
Les parents, attendris, couvent leurs chérubins.
Dans le monde de Christine, les arbres sont rouges et bleus.
Et c'est beau, et c'est juste, ça fait plaisir aux yeux.
Dans un temple lointain il y a des tortues
qui gardent dans la pierre la sagesse du monde.
L'équilibriste va, sur son filin tendu,
et se rit du danger, de la hauteur profonde.
Il y a des champs de lin dessous des nuées blondes.
Il y a des rochers, des vagues, des terres fécondes.
Des péniches à Paris, des barques en Baie d'Along.
Dans le monde de Christine, la peinture est musique,
les arbres sont rouges et bleus, c'est simplement magique !
1 janvier 2012
Texte de Jeannine CHAMILLARD
l'Homme de la Renaissance
La nuit vient de tomber.
Dans le salon, à peine entré,
une ombre me fait sursauter.
En réalité, il s'agit d'un portrait.
A l'obscurité, peu à peu accoutumé,
je le contemple, subjugué.
De toute évidence,
c'est un homme de la Renaissance.
Agé, mais plein d'assurance,
il remplit la pièce de sa présence.
Il porte un collier avec aisance,
don de l'Empereur par reconnaissance
de l'avoir peint dans sa toute-puissance.
Avec son autoportrait,
le regard fier, le port altier,
aux Princes, il s'identifiait.
Et vous, saurez-vous le nommer ?
2017 -
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
La cité sentinelle
Tournée vers la baie ambrée,
ses matins voilés, ses reflets irisés,
elle contemple les étranges méandres
creusés dans les sables tendres.
Les pêcheurs capturent, au fond de leur filet,
des crevettes qui se défilaient.
Les chasseurs traversent les gués
avec chiens excités et canards apeurés.
Des aigrettes guettent dans les vasières de l’estuaire
alors que des cigognes volent vers le Marquenterre.
Parfois, dans le puissant courant de la marée,
un phoque loufoque s’offre des plongées.
Puis le soleil sombre et la nuit tombe,
en face, la côte devient ombre
et dans l’air cristallin
se découpe la chapelle des marins.
2018 -
Peinture de Christine SABER et texte de Christian SABER
Silencieuses, dans le bruit des clapotis
et des galets qui roulent sous la houle,
elles attendent à chaque marée
d'être encerclées par des flots salés.
Mais aujourd'hui, l'atmosphère est lourde
de lassitudes et d'inquiétudes sourdes.
Sur le banc, au bord de l'estran,
Les humains n'osent plus se tenir la main.
Des vagues puissantes venues des lointains
menacent de les submerger demain,
alors que le soleil continue de briller
bien au-dessus de sombres nuées.
2020 -
Peinture "Les silencieuses" de Christine SABER et texte de Christian SABER
Veines cristallines
Les flots se retirent de l'estran,
Vite ! Vite ! Il est grand temps
de monter vers les grands rochers
dressés sous les nuées.
Il y a des millions d'années,
bien avant la vie et sa diversité,
dans sa forge, Vulcain utilisait
pierres et cendres des volcans,
sédiments des fleuves et océans
et limons transportés par les vents.
Dans les plis de schiste vert argenté
coulent aujourd'hui des veines cristallines
à l'éclat pâle et limpide
et dont la magie nous fait oublier
l'arrivée de la marée.
2021 -
Peinture "La veine" de Christine SABER et texte de Christian SABER
Dans les vagues, les algues divaguent
Vertes, jaunes, rouges ou brunes,
en filaments ou en rubans,
elles tapissent les lagunes
ou flottent sur les océans.
Elles sont le précieux garde-manger
des oursins, coquillages et crustacés,
offrent de multiples vitamines
comme élixirs de santé
et leurs richesses marines,
pour nourrir la croissante humanité.
Mais sur la laisse, délaissées,
méprisées ou parfois accusées,
dans les vagues, les algues divaguent
avec beaucoup de vague à l'âme.
2022 -
Peinture "Algues" de Christine SABER et texte de Christian SABER